Spiritualité

Un « pasteur mystique » donné tout entier à son ministère

Le point de départ de la spiritualité de saint François de Laval réside dans un détachement prononcé hérité de Monsieur de Bernières dans ses années de séjour à Caen qui allait bien avec son tempérament et qui le conduira dans les voies mystiques. Ce détachement est « un grand système de désappropriation » qui se ramène à la maxime spirituelle suivante : « Nous n'avons pas de meilleur ami que Jésus-Christ. Suivons tous ses conseils, surtout ceux de l'humiliation et de la désappropriation du cœur » comme écrit son premier biographe, Bertrand de La Tour. Sur cette base, le détachement ouvre la porte au "pur abandon" mystique.

Pour François de Laval, la désappropriation c'est l’évangile vécu dans toute sa radicalité. La désappropriation a un sens moral de renoncement. Ainsi, la désappropriation inclut les valeurs de détachement, de pauvreté, d'humilité puisqu'elle reste toujours une certaine privation, mais l'essentiel de la désappropriation pour François réside d'abord dans le partage et la mise en commun des biens. C’est pourquoi la désappropriation devient partage matériel, puis dans un même mouvement, partage fraternel. Il voulait, écrit Bertrand de La Tour, « que tout le clergé ne fît qu'une grande famille », et c'est dans ce but qu'il demandait qu'on ne se départît jamais « de la désappropriation qui laisse tout en commun entre les mains du supérieur ».

Et, la désappropriation se refermerait sur elle-même si, en fin de compte, elle ne rendait de plus en plus libre et accueillant à l’action de Dieu, si elle n'ouvrait pas un abandon total à Dieu. À mesure que François de Laval avance en âge, les fruits d'une ouverture amoureuse à la volonté de Dieu à travers les événements se manifestent dans une constance, une patience et un abandon qui grandissent. C'est cette expérience de foi confiante que François de Laval a vécue tout au long de sa vie : un abandon total, un "pur abandon", écrira-t-il, qui est l'aboutissement de la désappropriation et qui est au cœur de son expérience spirituelle. « Il y a longtemps que Dieu me fait la grâce de regarder tout ce qui m'arrive en cette vie comme un effet de sa Providence », écrit-il en 1687.

Dans les principaux événements de sa vie, François de Laval recherche promptement leur signification spirituelle soit pour son œuvre pastorale, soit dans son itinéraire spirituel personnel. Cette « expérience de Providence », si l'on peut dire, ne serait pas complète si elle ne suscitait une réponse. Cette réponse est l'abandon : « Il est bien juste... que nous ne vivions que de la vie du pur abandon en tout ce qui nous regarde au-dedans comme au-dehors », dira-t-il après le refus du Roi de le laisser partir pour le Canada en 1687. À son ami Henri-Marie Boudon, en 1677, il disait déjà : « Tout ce que la main de Dieu fait nous sert admirablement, quoique nous n'en voyions pas sitôt les effets ». Il fut un pasteur mystique extraordinaire.

François de Laval donne l’exemple d'un pasteur totalement consacré à sa tâche dans une fidélité quotidienne et durable. À sa mort en 1708, il laissait la réputation d'« un pasteur plein de l'esprit des apôtres ». Face aux défis de l’évangélisation, sa persévérance et sa confiance totale au Seigneur peuvent être une inspiration et un exemple stimulant.  François de Laval nous présente l'image d'une bonne santé humaine et spirituelle enracinée dans des valeurs solides auxquelles toutes ses énergies ont été consacrées. Il fut un « pasteur mystique » tout entier abandonné à son ministère auquel il s’est donné totalement sous la mouvance de la grâce rejoignant les stades de la passivité mystique décrits dans le Livre des Demeures de sainte Thérèse d’Avila

Mgr Hermann Giguère P.H.

13 février 2015