Homélie - 6e dim. ord. B 2021

Homélie
2021/02/09
Homélie - 6e dim. ord. B 2021

6e dimanche ordinaire B 2021

Jésus proclamait l’Évangile, en paroles et en actes, « de partout on venait à lui »

Homélie
(Lv 13,1-2.45-46 ; Ps 31,1-2 ; ! Cor 10,31-11,1 ; Mc 1,40-45)

Les médias nous disent souvent que la pandémie actuelle et ses conséquences dans la vie ne sont pas sans provoquer une réelle croissance des maladies mentales. Il semble bien qu’on n’ait pas la capacité de répondre sérieusement à ce malaise social. C’est aussi, en février, le mois de l’Histoire des Noirs chez nous. Nous savons tous les problèmes que vivent de si nombreuses communautés autochtones dans notre pays. Des situations très pénibles, inacceptables nous sont ainsi révélées, sur lesquelles des organismes veulent attirer note attention. Ces réalités sociales et bien d’autres ne sont pas sans lien avec les textes de la Parole de Dieu de ce dimanche. On pourrait, et avec raison, donner à la première et à la troisième lecture un sens uniquement spirituel, un appel à se laisser guérir de ce mal qu’est le péché. Nous pouvons toutefois en faire une autre lecture, les textes bibliques étant toujours polyvalents, rejoignant diverses situations et même actuelles.

La parole évangélique d’aujourd’hui peut être comprise comme un appel à se refuser à tout ce qui est exclusion de l’autre, rejet des autres. Il y est question de l’exclusion d’un lépreux ! La première lecture tirée du livre des Lévites disait clairement : Le lépreux habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp. Il était interdit d’avoir quelque contact que ce soit avec lui. Au fait d'être gravement malade, s’ajoutait une souffrance supplémentaire, celle d’être rejeté par sa famille et par la société. Dès que quelqu'un présentait des signes d’une maladie qui pouvait être la lèpre, il devait se présenter à un prêtre qui procédait à un examen et décidait s'il fallait déclarer cette personne impure et donc la contraindre à se tenir à l'écart de toute vie sociale et religieuse. On avait de bonnes raisons pour faire cela, en particulier pour éviter la contagion. Mais aussi parce qu’on disait que ces gens étaient sûrement des pécheurs pour être ainsi punis. Cela ne nous fait-il pas penser qu’aujourd’hui encore on trouve de bonnes raisons pour pratiquer l’exclusion sociale, pour mettre des personnes, des groupes à part ?

La guérison d’un lépreux, ce miracle de Jésus, dans l’évangile de saint Marc, est le premier épisode de son long combat contre toutes les exclusions. Cette Bonne Nouvelle que Jésus annonce et que le lépreux va s'empresser de répandre, c'est que désormais personne ne peut être déclaré impur et exclu au nom de Dieu. Il faut prêter attention aux mots de l’évangile. Le lépreux, tombant aux genoux de Jésus, lui dit : Si tu le veux, tu peux me purifier. Reconnaissons que ce message de Jésus a besoin d’être dit et redit, aujourd’hui, et même ici dans notre pays, dans nos milieux. La Bonne Nouvelle, la venue du Royaume de Dieu que les disciples de Jésus ont la mission d’annoncer n’est-ce pas, qu’on doit prendre soin des malades, qu’on doit avoir un réel souci pour les pauvres ; ils doivent être purifiés, c’est-à-dire ne pas être exclus de la société, cela veut dire aussi qu’ils doivent être considérés comme des fils et filles de Dieu. L’exemple de Jésus est clair : il n’a jamais exclu personne. Bien au contraire, il se faisait proche de tous, de toutes. Notre société n’a-t-elle pas besoin de se faire rappeler les paroles et les gestes de Jésus dans l’Évangile.

On dit de saint François d’Assise qu’il a été celui qui a le plus parfaitement imité le Christ. On raconte justement qu’un jour il a osé donner un baiser à un lépreux. Son geste est resté un symbole de l’audace chrétienne, de la confiance absolue en Jésus ; c’est ce qui fait qu’il est si admiré, même par des non-chrétiens, des non-croyants. Il faut en effet voir dans le récit évangélique de ce dimanche, dans ce geste de l’accueil d’un lépreux la liberté et la force de l’amour qui habitait le cœur de Jésus, cet homme de Nazareth dont l’humanité se souviendra toujours. Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et dit : Je le veux, sois purifié. Jésus devient alors lui aussi parce qu’il a fait ce qui était défendu par la loi, toucher un lépreux. C’est ce que François a fait, voulant imiter Jésus jusque-là.

Jésus se montre, il en a souvent été ainsi, comme quelqu’un qui appelle à la liberté, à l’audace de la liberté. Il ose défier les normes de son temps quand elles l’empêchent de venir en aide à quelqu’un qui a besoin de lui. Nombreux sont les récits évangéliques qui le disent. Cela étonnait, scandalisait même ceux qui le voyaient agir, jusqu’à ses disciples. Il sera tellement en contradiction avec une certaine attitude face à la Loi qu’il deviendra lui-même un exclu : y a-t-il plus grand rejet, plus grande exclusion sociale que sa mort sur la croix. Mais c’est lui, le rejeté, l’exclu, lui que Dieu ressuscitera, c’est lui qui ouvrira le chemin qui mène au Royaume, là où il n’y aura qu’une seule loi, celle de son unique commandement. Pour aller jusqu'au bout de son commandement d'amour, Tu aimeras ton prochain comme toi-même, Jésus a transgressé la lettre de la loi qui interdisait de s’approcher d’un lépreux. Il a alors posé un geste d'une extraordinaire liberté, un geste que tout le monde n'était pas en mesure de comprendre. C’est pour cela qu’il impose le silence au lépreux purifié : Aussitôt Jésus le renvoya en lui disant : Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. … Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle. Il y a des nouvelles qu’on ne peut garder pour soi. En tant que disciples du Christ, ne nous faut-il pas parfois parler, agir, et aussi avoir l’audace de nous refuser à certaines manières de penser, de parler, de faire. Évangéliser, annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus, c’est dire, en paroles et en actes, la primauté de l’amour, le rejet de toute exclusion, de toute haine, de toute vengeance, des sentiments qui sont loin d’être absents dans nos milieux et que nous retrouvons parfois dans notre propre vie.

C’est là le message de l’Évangile, ce doit être le message de l’Église, cela doit éclairer, guider notre propre jugement de chrétien, de chrétienne sur ce qui se passe dans notre société, sur nos propres attitudes. Un lépreux s’approcha de Jésus. … Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. La compassion ne doit pas n’être qu’un mot, c’est une attitude caractéristique de la vie selon l’Évangile. Comment être en vérité disciples du Christ si nous ne sommes pas, si nous ne devenons pas de plus en plus des hommes, des femmes de compassion ?  N’est-ce pas le témoignage que donne le Pape qui a voulu porter le même don que François d’Assise et, comme lui, se faire proche de tous, tout particulièrement des malades, des pauvres, des exclus.

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com