Homélie - 18e dimanche ordinaire A 2020

Homélie
2020/08/11
Homélie - 18e dimanche ordinaire A 2020

18e dimanche ordinaire (Année A 2020)

Homélie
(Is 55,1-3 ; Rm 8,35.37-39 ; Mt 14,13-21)

Donnez-leur vous-mêmes à manger. Il se peut fort bien que saint Matthieu, en rédigeant ce récit de la multiplication des pains, ait voulu précisément insister sur ces mots de Jésus à ses disciples : Donnez-leur vous-mêmes à manger. D’autant plus que l’évangéliste ajoute : Jésus prononça la bénédiction, rompit les pains, les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule. Il est donc important de remarquer que Jésus veut que ce soit les disciples qui donnent eux-mêmes à manger à cette foule qui l’a suivi, l’a longuement écouté, et commence à avoir faim. Mais comme ils lui disent qu’ils en sont incapables, parce qu’ils n’ont pas la nourriture nécessaire, Jésus multiplie les pains et les poissons, et tient à ce que ce soient eux les disciples qui les distribuent aux gens.

Les évangiles ne nous disent-ils pas souvent que venir en aide aux gens mal pris, de toutes sortes de manières, a été une des préoccupations majeures de Jésus, que pour lui cela était un signe fort de la venue du Royaume. Depuis l’accueil fait aux bergers, les tout premiers qu’il a voulu rencontrer et leur faire connaître la joie de la première fête de Noël. Il en sera ainsi jusqu’à la croix, alors que juste avant de donner sa vie, il a lors ces paroles : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’Ils font. À ce larron qui meurt en même temps que lui, il dit : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. Le Dieu que Jésus est venu nous faire connaître est un Dieu Père, un Dieu de bonté, de miséricorde, de pardon, d’amour, de tendresse, c’est ainsi qu’on le présente tout au long des Écritures. N’est-ce pas ce qui nous est dit dans ce récit de ce dimanche ? Pour que tous ces gens puissent manger à leur faim, Jésus multiplie les pains, mais ce n’est pas lui qui les donne, ce sont ses disciples. Les chrétiens ont toujours compris que Jésus voulait que ce souci se retrouve dans le cœur de ses disciples. Est-ce que, de fait, cette préoccupation des chrétiens n’a pas toujours caractérisé la vie de l’Église et, en conséquence, lui a fait rendre de grands services à la société ? Ce qu’on oublie trop souvent, préoccupés par les erreurs et les péchés de trop nombreux chrétiens et chrétiennes de notre temps, oubliant, ignorant ce qu’elle a réalisé tout au long de son histoire, éclairée, guidée par l’exemple et la parole de Jésus.

On ne sait pas vraiment ce qui s’est passé ce jour où Jésus a multiplié les pains, en quoi a pu consister ce miracle, comment il s’est concrètement réalisé. En tout cas, il s’est sûrement passé quelque chose de tout à fait hors de l’ordinaire, quelque chose qui a fortement marqué la mémoire des disciples qui étaient présents. On trouve en effet six récits de la multiplication des pains dans les évangiles. Il faut croire que ce qui s’est passé ce jour-là faisait partie de ce qu’on se racontait souvent à propos de Jésus dans les communautés chrétiennes primitives, ce dont on tenait à conserver le souvenir. Le récit lu aujourd’hui commence de façon toute simple. Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les foules l’apprirent et, quittant leurs villes, elles le suivirent à pied. En débarquant, il vit une grande foule de gens; il fut saisi de pitié envers eux. Dans la Bible, l’expression être saisi de pitié est habituellement utilisée en parlant de Dieu et de ceux et celles que sa grâce inspire. C’est une attitude propre à Dieu que d’être pris de pitié et de compassion. Cette attitude de pitié, de compassion, Jésus voulait qu’elle soit aussi ce qui caractériserait ses disciples : pitié, compassion, amour, ces mots sont des synonymes dans le cœur de Dieu. 

Les gens de plusieurs villes et villages, disent les récits évangéliques, étaient à la recherche de Jésus. Ils voulaient l’entendre parler de Dieu et du Royaume, l’entendre raconter des paraboles, le voir échanger avec eux, tout simplement, à partir de leur vie. Ce que les gens attendaient d’abord de Jésus, c’est qu’il leur parle. Ils désiraient fortement que leur soit dite une parole qui les rejoindrait au fond du cœur, une parole qui éclairerait leur vie, viendrait raviver leur espérance. Que s’est-il passé ce jour-là ? Justement, Jésus s’est mis à parler, longuement, et les gens l’ont écouté, pris, saisis par sa parole. Le temps n’avait plus d’importance, on était heureux en sa présence. Mais, quand même, le temps s’écoulait et la journée avançait. Le récit dit bien : Le soir venu… Nous ne saurons jamais ce qui s’est vraiment passé. Une chose est certaine, tous ceux et celles qui étaient là ont été marqués par la parole de Jésus et par son attitude à leur égard. Tous les récits de ce miracle le soulignent : Jésus a alors manifesté beaucoup de compassion pour son peuple. Touché, ému par toute cette foule venue entendre sa parole, par tous ces gens qui s’attachaient à lui, il fut saisi de pitié envers eux, écrit l’évangéliste. Après avoir nourri ces gens de sa parole, il les a nourris de pain et de poisson.

Ce que ces gens ont vu ce jour-là leur a rappelé ces récits qu’on trouve dans les Écritures, récits qu’ils connaissaient bien. Tout comme Moïse, tout comme le prophète Élisée, Jésus a nourri cette foule rassemblée à cause de lui. Il l’a nourrie d’abord de sa parole, une parole qui est une vraie nourriture pour le coeur. Il lui a donné ensuite le pain qui permet de poursuivre la route de la vie. Cet événement est devenu un miracle, un signe merveilleux profondément enraciné dans la mémoire et le cœur des gens. Quand les premières communautés chrétiennes ont commencé à se réunir pour faire mémoire de Jésus, elles se racontaient ses paroles et ses gestes, les mettaient en lien avec les Écritures, puis elles partageaient le pain et le vin en mémoire de la Cène du Seigneur. L’évangéliste ne raconte-t-il pas la multiplication des pains avec les mots mêmes de l’Eucharistie. La multiplication des pains annonçait l’Eucharistie et l’Eucharistie renvoyait à la multiplication des pains.

Que la parole entendue aujourd’hui, que ce pain qui va nous être partagé nous transforment, qu’ils mettent en nous les sentiments de Jésus, une grande attention aux autres, de la pitié pour tous ceux et celles qui viennent vers nous ou qui comptent sur nous, de la compassion à l’égard de ceux et celles ont besoin de notre aide, de ceux et celles qui ont faim, faim de vivre, faim d’être écoutés, reconnus, aimés. Donnez-leur vous-même à manger, nous dit Jésus. Ainsi va se poursuivre ce qu’ont fait ceux et celles qui nous ont précédés depuis plus de quatre siècles dans ce pays, où il y a eu depuis les débuts, où il y aura toujours des disciples de Jésus continuant la mission de Jésus.

 

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com